INTERVIEW Presse
La génération Z arrive en force sur le marché du travail. Elle apporte avec elle des attentes, des valeurs et une vision du travail nécessitant une approche managériale subtile. Laurent Tylski, le fondateur du groupe spécialisé dans le coaching des dirigeants Acteo, détaille les aspirations de cette génération tournées vers le bien-être et la quête de sens. Il nous explique comment les entreprises doivent s’adapter pour attirer et retenir les talents.
Pouvez-vous expliquer le rapport qu’entretiennent les générations X et Y avec le travail ?
Bientôt retraitée, la génération X (individus nés entre 1960 et 1975) se caractérise par son indépendance au travail, son adaptabilité et sa vigilance sur ce qui se passe dans l’entreprise. C’est les après boomer, qui ont vécu la transition vers le tertiaire, donc vers l’offre de service globalisée. La génération Y (80-95) a quant à elle vu la montée en puissance des ESN, avec l’arrivée d’internet, qui a changé les habitudes de travail. Cette génération prône l’expérience et la réflexion comme leviers de succès professionnel. Elle a également appris de nouveaux modes de management, notamment liés à la mobilité.
L’expérience prouve que les anciennes générations ont toujours regardé avec méfiance les suivantes. Les générations X et Y n’échappent pas à la règle vis-à-vis de la génération Y, (1995-2012), en particulier dans le monde du travail.
Qu’est ce qui caractérise la génération Z ?
L.T : La génération Z arrive en nombre sur le marché du travail, et elle apporte avec elle des attentes bien spécifiques. Plus que les générations précédentes, la génération Z accorde une importance majeure à des éléments comme l’équilibre travail-vie personnelle, le sens de sa mission. Ses membres ont une vision différente de la relation avec leurs employeurs. Ils recherchent un cadre de travail sécurisant qui booste leur épanouissement.
Les Z ont un fort activisme social, un besoin de reconnaissance, et se montrent impatients. Ils sont également peu autonomes et peu responsables. De plus, les Z sont des purs natifs du numérique. C’est la génération Twitter, avec 140 caractères. Nous sommes dans l’ère du zapping, de l’immédiateté, où la concentration est moindre.
Les Z ont aussi un rapport particulier à l’argent, car c’est la génération la plus riche de tous les temps. Il y a aussi une relation à l’autre différente, notamment avec le phénomène des influenceurs sur les réseaux sociaux. Les Z sont également très versatiles, et n’hésitent pas à quitter une entreprise si elle ne leur correspond pas. Tous ces éléments sont à prendre en compte pour les manager subtilement.
Vous mentionnez l’équilibre travail-vie personnelle. Pourquoi est-ce si crucial pour cette génération ?
L.T : Les Z ont grandi dans un contexte où la santé mentale est de plus en plus discutée et où la pression sociale, souvent amplifiée par les réseaux sociaux, est omniprésente. Depuis le Covid, ils sont très conscients de l’importance de préserver leur santé mentale et physique. Si les X étaient prêts à sacrifier du temps personnel pour avancer dans leur carrière, les Z recherchent des entreprises qui favorisent un équilibre entre le travail et la vie privée. Ils s’attendent à ce que leur bien-être soit pris en compte par leurs employeurs.
C’est un changement de paradigme assez important, surtout dans les entreprises plus traditionnelles. Comment les managers doivent-ils s’y adapter ?
L.T : Absolument, et c’est là que réside le défi. Les cadres dirigeants doivent comprendre ces jeunes afin de les manager au mieux et maximiser leur potentiel.
Les entreprises doivent intégrer le bien-être au sein de leur culture. Cela peut inclure des pauses régulières, un emploi du temps flexible, du télétravail, ou encore le fait d’accepter que cette génération prenne des congés sabbatiques. Les managers doivent aussi encourager une communication ouverte, afin que les employés de la génération Z puissent exprimer librement leurs besoins et préoccupations.
Pouvez-vous nous en dire plus concernant la quête de sens au travail de cette génération Z ?
L.T : Les Z souhaitent que leur emploi ait un impact positif sur la société. Ils veulent savoir que leur travail contribue à quelque chose de plus grand, que ce soient des projets éthiques, environnementaux ou sociaux. Un management efficace doit être capable de montrer comment les tâches quotidiennes de chaque employé s’inscrivent dans une mission plus globale. Les entreprises qui se soucient de leur responsabilité sociale et environnementale ont un avantage pour attirer et retenir les talents de la génération Z.
Comment cela se traduit-il au quotidien dans les entreprises ?
L.T : Cela implique d’avoir une mission claire et de s’assurer que chaque membre de l’équipe voit en quoi il y contribue. Les entreprises doivent également être transparentes sur leurs engagements, qu’il s’agisse de développement durable, de diversité ou d’autres questions sociétales. Il est aussi conseillé aux managers d’encourager leurs équipes à participer à des projets qui ont du sens et à discuter ouvertement des valeurs des entreprises.
La génération Z est également sensible à la diversité ?
L.T : Elle valorise la diversité sous toutes ses formes – ethnique, culturelle, de genre, ou sexuelle. Ils s’attendent à ce que leur lieu de travail reflète cette diversité et à ce que les politiques de l’entreprise favorisent un environnement inclusif. Pour manager efficacement cette génération, il faut non seulement prôner la diversité mais aussi s’assurer qu’elle soit réellement intégrée dans la culture d’entreprise.
Les entreprises doivent également adopter un vocabulaire respectant tous les collaborateurs. En clair, les propos dénigrants, les actes stigmatisant ou encore les blagues déplacées ne sont plus tolérées. Il faut prendre en compte cette donne pour ne pas braquer la génération Z. Cette dernière a besoin de se reconnaître dans les valeurs de son employeur.
Vous avez évoqué le développement personnel. Pourquoi ces éléments sont-ils si importants pour cette génération ?
L.T : La génération Z souhaite être maîtresse de sa carrière. Elle veut des opportunités d’apprentissage et de croissance constante. Contrairement aux X, qui acceptaient une progression de carrière lente et graduelle, les Z attendent des résultats rapides et visibles. Ils comptent s’approprier des projets, expérimenter, et même prendre des risques. Les managers doivent donc leur offrir un cadre dynamique, tout en étant présents pour les guider et les coacher.
Est-ce qu’ils sont réceptifs au feedback ?
L.T : Ils y sont non seulement réceptifs, mais ils en demandent ! Terminé l’entretien annuel d’évaluation, la génération attend des retours fréquents et constructifs de la part des cadres dirigeants. Une bonne stratégie managériale inclut des sessions de feedback régulières et informelles, ainsi qu’une transparence totale sur les performances.
Les Z ont été surprotégés par leur famille, ce qui peut les rendre plus vulnérables à la réalité professionnelle. C’est pourquoi les managers doivent trouver les mots pour les diriger, sans les brusquer. Comme ils n’ont pas de plan de carrière, les Z n’ont pas de problème à claquer la porte d’une entreprise.
Parlez-nous de leur rapport à la technologie. Après tout, ils ont grandi avec Internet…
L.T : Exactement. La génération Z est la première à être totalement née à l’ère numérique. Ils maîtrisent naturellement les outils technologiques, et s’attendent à ce que leur environnement de travail soit à la pointe en la matière. Pour les retenir, les entreprises doivent s’assurer qu’elles disposent des derniers outils de collaboration, des logiciels efficaces et de processus optimisés. Un manager qui refuse ou tarde à adopter les nouvelles technologies risque de perdre l’engagement des Z, et donc leurs talents digitaux essentiels aujourd’hui.
D’après votre expérience professionnelle internationale, pouvez-vous nous dire si ces aspirations de la génération Z sont globales, ou spécifiques aux jeunes français ?
L.T : Les caractéristiques de la génération Z se retrouvent dans tout l’occident. Le sujet ne se pose pas encore au Maghreb, région prônant le respect de la hiérarchie et la notion de bon soldat. L’Afrique dans son ensemble ne s’intéresse pas aux aspirations des Z. Même constat pour l’Asie et l’Inde, avec bien sûr des spécificités, notamment en Chine.